HISTOIRE

Je suis tombé hier en bas de ma chaise.
En appelant ma cousine en Espagne pour lui souhaiter la Bonne Année, j'ai appris que mon père avait combattu au sein du Bataillon Rosa Luxembourg lors de la Guerre civile espagnole (1936-39).
Comme tous ceux qui sont sortis d'un conflit, dans son cas 36-39 et 39-45 - en guerre de l'âge de 20 ans à 29 ans - mon père a très peu parlé.
J'ai fouillé et trouvé plusieurs documents.
J'ai écrit à une dame qui tient un site sur le sujet....à suivre.

J’ai hâte de lire la suite ! 


Tiens nous au courant !

Cool comme histoire , tu est espagnol ?

Je croyais que les Canadiens qui avaient combattu du côté Républicain étaient dans le bataillon Mackenzie-Papineau des Brigades Internationales?

J'assume donc que ta famille est arrivée ici par la suite?

Tres interessant comme histoire, tout un debut d’année pour toi.

Merci Messieurs,
Inutile de vous dire que je me sens comme un enfant dans un magasin de jouets et oui, tout un début d'année.
Plein de documents disponibles sur le net (intérêt assez nouveau pour ce bataillon, nommé en l'honneur d"une révolutionnaire d'exception).
C'était un bataillon d'élite qui a participé à plusieurs batailles en Pays Basque, dans le nord de l'Espagne, région de Bilbao.
Regardez la deuxième ligne de la 3ème compagnie, 3ème escadron (Tercera escuadra).
Buffalo, oui, Français d'origine espagnole, car tu comprends bien que mon père a dû partir sinon, 12 balles contre un mur.
Il est resté longtemps sur la liste noire.

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À suivre....

Le fait que tu aies de la famille en Espagne était d'ailleurs un bon indice...

Ma mère a connu plusieurs des survivants de ces brigades, pourchassés par les troupes et la police de Franco.
C'était vraiment une guerre civile, sans foi ni loi: on fusillait les prisonniers plutôt que de les garder dans des camps.

Les combattants républicains sont passés en France et plusieurs groupes se sont fixés dans les Pyrénées d'où ils pouvaient surveiller les deux côtés de la frontière et se déplacer au gré des évènements.
Ils ont établi des liens avec la résistance française et aidé à sauver beaucoup de juifs et de réfugiés en les faisant passer à travers l'Espagne jusqu'à Gibraltar et le Maroc.

Lorsque la zone neutre a été envahie en '42, la famille du côté de ma mère a continué à soutenir les résistants espagnols en les ravitaillant et eux ont continué leur travail de passeurs et de renseignement pour les alliés.
Ma mère a fréquemment aidé à ravitailler l'un de ces groupes avec son frère Louis.
Elle se rappelle très bien de leur première rencontre, sur les hauteurs du Pla d'Izou, lors d'une randonnée en montagne avec Louis et des copains.
C'était la guerre et, à prime abord, les guérilleros étaient assez méfiants.
Lorsqu'ils ont appris que Louis et ma mère étaient les enfants de Ernest Lacoue-Labarthe, l'atmosphère s'est détendue. Mais ma mère se rappelle bien qu'ils leur avaient demandé de repasser par le même endroit à leur retour (pendant ce temps, ils avaient envoyé un homme vérifier les dires des jeunes auprès de mon grand-père, à l'auberge du village).

Lors de la cérémonie de décoration de mon oncle (médaille de la résistance) il y a quelques années, ils ont eu la surprise de voir arriver les trois derniers survivants du groupe établi en Béarn; ces hommes, qui avaient 90 ans passés, ont chanté "le chant des Partisans", à mon oncle Louis, tout ébahi!  

Leur chef, Cristobald Andrades a écrit un livre sur ses activités à cette époque. J'en ai ici un exemplaire, signé de la main de l'auteur et aussi de M. Gérard Glacial, attaché aux services de recherches de l'armée française et qui a contribué à retracer les derniers résistants, dont mon oncle.:
"On m'appelait El Cristo", Mémoires d'un républicain espagnol, guerillero en Béarn.
Publié chez Delizon,
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Cristobald Andrades était, fort probablement le dernier survivant de la 10ème Brigade. Il a été décoré de la Légion d'Honneur et est décédé deux ans plus tard à l'âge de 97 ans.

Bravo et respects à ton père, DanRR.

PP.  

Gérard Glacial: [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

Merci P.P. pour ce touchant témoignage.

Période terrible.....mon père a été interné à Argelès-sur-mer , camp/plage de sinistre mémoire, honte de la France.
Il s'est engagé par la suite dans la Légion Étrangère.

Ton pere a vu pas mal de chose pas tres intéressante ,pour ce fait il n'a pas été trop bavard ,j'en ai cunnus d'autres comme ca.

DanRR a écrit:

Merci P.P. pour ce touchant témoignage.

Période terrible..... mon père a été interné à Argelès-sur-mer , camp/plage de sinistre mémoire, honte de la France.
Il s'est engagé par la suite dans la Légion Étrangère.

Les conditions d'accueil à Argelès étaient rudimentaires: les installations étaient totalement insuffisantes et insalubres.
Les plus chanceux ont été par la suite transférés au camp de Gurs, près d'Oloron-Ste-Marie; de là, ils étaient acheminés vers Drancy puis sur l'Allemagne (pour les juifs) ou versés dans des exploitations forestières pour les républicains espagnols.
De nombreuses évasions se sont produites là.
PP.

Bonjour Messieurs,

Il m'est très difficile de joindre des documents en ordre chronologique aussi, je vous livre en vrac ce qui suit.


Pour étoffer le chapitre consacré à mon père, j’ai demandé ses états de services à la Légion étrangère, corps d’élite dans lequel mon père a servi du 5 décembre 1940 au 5 décembre 1945. En passant, vous remarquerez qu’il s’agissait d’un contrat de 5 ans, scrupuleusement respecté.

Tout d’abord, je dois vous dire que mon père a servi dans les Milices Républicaines d’Espagne, à Bilbao, province de Guipuzcoa en Pays Basque, de 1936 à 1939 et qu’il s’est réfugié en France lors de la débâcle faisant suite à la défaite des armées de la république espagnole aux mains des forces fascistes du général Franco.
Cet épisode est entré dans l’Histoire comme « La Retirada ».
Les Français ont interné les Espagnols fuyant la vengeance fasciste dans divers camps de concentration.

Mon père a été interné au camp d’Argelès-sur-mer, camp de sinistre mémoire lorsqu’on sait que les gens étaient littéralement parqués sur une plage, sans abris ou commodités d’aucune sorte.

Ces réfugiés espagnols, ayant l’expérience du combat, furent courtisés par la Légion qui avait besoin d’effectifs en ce début de guerre.

Ne sachant où aller, mon père s’est donc engagé dans la Légion étrangère - Légio patria nostra - et a combattu en Afrique du Nord contre l’Africa Korps du maréchal Erwin Rommel, a été fait prisonnier début 1943 et interné dans un camp de prisonniers anglais à Görlitz, près d’Altenburg.

De tout cela, il ne m’a raconté que quelques bribes.

Il m’a dit qu’il appartenait au 1er Régiment Étranger de cavalerie (1er REC), orgueuillesement surnommé "Royal Étranger", en opérations en Tunisie face à l' "Afrika Korps" du maréchal Erwin Rommel.
Son chef de compagnie était le Lieutenant Michel.

Du combat (djebel Belloute) où il a été fait prisonnier, il m’a raconté qu’il était caporal-chef mitrailleur, qu’il tirait comme un fou avec sa mitrailleuse Hotchkiss car les chars Tigre et l’infanterie ennemie progressaient en nombre supérieur au leur, que les munitions d’une de leurs deux mitrailleuses étaient épuisées, qu’ils avaient dû la laisser sur place pour continuer à tirer avec l’autre mitrailleuse. Son chef de compagnie, le Lieutenant Michel, lui avait alors donné l’ordre d’aller chercher la mitrailleuse , ce qu’il fit; mon père me dit qu'il courait et que les balles soulevaient le sable derrière lui. Je crois qu’il fut cité pour cela. Sa position a été submergée et des Allemands se sont présentés au bord de son trou et l’en ont fait sortir ainsi que les servants de sa mitrailleuse.
Fait prisonnier, REC (rayé des cadres) le 23 janvier 1943, et signalé par la Croix Rouge le 18 juillet 1943 comme prisonnier de guerre.
Mon père n’a jamais su que le Lieutenant Michel était mort en héros lors de ce combat.

J’ai reçu les états de service de mon père. J’ai ouvert l’enveloppe et c’est ici que l’histoire commence.

Voici le « Détail des services et positions successives » (en résumé), tel qu’inscrits sur ses États de Services :

Mon père est :

- débarqué en Afrique du Nord (Oran) le 18-12-40.
- affecté au 1er Régiment Étranger de Cavalerie, 6ème escadron, le 05-06-41.
- en garnison à Oujda le 10-11-42.
- dirigé sur la zone d’opérations Est (front tunisien) le 21-12-42.
- muté au Groupe Autonome du 1er REC a/c du 21-12-42, à l’escadron porté.
- en zone de combat le 29-12-42.
- disparu au combat de Djebel Belloute (Tunisie) le 22-1-43.
- REC (rayé des contrôles) le 23-1-43.

Muni de ses informations précieuses, j’ai fait une recherche sur Internet et je suis tombé sur les « Souvenirs de guerre de Frédéric (Freddy) Gersay ».

Je vous laisse lire les documents en pièces jointes.

NOTES :

- le légionnaire Gersay relate les aventures du légionnaire Yasreg (Gersay à l’envers) ; il a suivi la même filière que mon père et appartenu lui aussi à l’escadron porté du Groupe Autonome.
- un Groupe Autonome est, comme son nom l’indique, détaché du Régiment, afin de se porter rapidement sur des points précis, en appui des autres unités.
- les personnels d’un GA sont des soldats éprouvés, triés sur le volet.
- le GA était constitué de l’escadron porté (une centaine d’hommes environ), qui se déplace en camions, et d’un escadron de 3 ou 4 auto-mitrailleuses.
- l’escadron porté disposait de deux mitrailleuses Hotchkiss.
- Gersay fait référence aux Espagnols Pérez et Lopez….mon nom est Randez….la mémoire étant ce qu’elle est plus de 70 ans après….nul doute que l’un d’eux est mon père.
Gersay reconnait lui-même sa mémoire floue en bas de page lorsqu’il cite certains légionnaires….il ne cite ni Pérez ni Lopez….et comme il n’y-avait que deux tireurs-pointeurs….

Je suis persuadé que mon père et Yasreg se connaissaient.

C'est vraiment cool comme histoire

60 recon a écrit:

C'est vraiment cool comme histoire

+1

Très intéressant et je vais suivre assidument  ce qui va venir de nouveau.Nous avons des gens aguerris au sujet.
merci.

L'histoire de ton père est passionnante. Si les fantassins allemands avaient un edelweiss au calot, c'était des gebirgjsjäger, des troupes spécialisées dans le combat de montagne.

Gebirgs-Infantrie Regiment (mot) 756 pour être plus précis....

Vraiment intéressant ton histoire Dan!

Buffalo a écrit:

L'histoire de ton père est passionnante.  Si les fantassins allemands avaient un edelweiss au calot, c'était des gebirgjsjäger, des troupes spécialisées dans le combat de montagne.

Buffalo,
Merci pour la précision.

Mon père m'avait conté l'approche des soldats dans le lit de l'oued ( + ou - ruisseau) desséché, assistés par 2 chars Tigre.
Il n'y avait quasiment pas de possibilité de fuite pour eux lorsqu'il a ouvert le feu, car les berges étaient assez élevées, du moins en sable friable.
Je comprends pourquoi, lorsque j'étais jeune, il avait des "absences" et était perdu dans ses pensées.
Ma mère disait qu'il était "lunatique".
La condition Syndrome Post-traumatique n'existait pas.
Une partie de cette condition est, selon moi, que ces soldats gardaient pour eux ce qu'ils avaient vécu, au retour à la vie civile, car personne ne peut imaginer l'enfer qu'ils ont vécu....seuls leurs frères d'armes peuvent le comprendre.
On ne peut pas ouvrir le feu à la mitrailleuse sur des jeunes de ton âge, même du camp adverse, entendre leurs cris et voir tant d'horreur sans en payer le prix.
À la fin des conflits, séparation sur un quai de gare ou maritime et chacun chez soi....aucun support, aucune formation professionnelle offerte, mon père est parti à 20 et revenu à 30 ans....débrouille toi.
Ceux qui ont vu le film "Les Centurions" , il-y- a une scène où les officiers se séparent sur un quai de Marseille retour d'Indochine....c'est assez réaliste.